Oct, 16 2018 15:10

Ports d’Antibes – CCI : Ça prend l’eau !

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Nous reprenons ci‐dessous un dossier dont les informations nous sont communiquées par des personnes se présentant comme appartenant au Mouvement de l’Arche.

La commune d’Antibes Juan‐les‐Pins compte sur son territoire quatre ports de plaisance et un « port abri », tous gérés sous la forme de délégations de service public.
Parmi ces ports, on peut distinguer : 
• les ports à vocation internationale, Vauban et Gallice
• et les ports à vocation de plaisance locale, Crouton, La Salis et L’Olivette. 

En raison d’une concurrence toujours plus forte des nouvelles destinations du yachting (Espagne, Italie, Croatie, Monténégro, Turquie,…), et des échéances fixées au 31 décembre 2017 pour le Port Gallice, et au 31 décembre 2021 pour le Port Vauban, une réflexion générale quant au devenir du secteur portuaire et à son développement a été initiée par la municipalité d’Antibes, pour laquelle il est apparu nécessaire de développer sans attendre ces deux infrastructures portuaires pour satisfaire l’ambition affichée de faire :
• du Port Vauban « “LE” port du IIIe millénaire » en relation directe avec le technopole de Sophia Antipolis dont il serait le débouché naturel sur la mer Méditerranée
• du Port Gallice une référence portuaire internationale.

Dans ce contexte, s’agissant plus particulièrement du Port Vauban, l’échéance initiale relative à la gestion de ce port a semblé pour la municipalité être incompatible avec cet objectif. Aussi, le conseil municipal, par une délibération du 18 décembre 2015 (paragraphe 00–12 page 14) complétée par une délibération du 5 février 2016 (paragraphe 00–9 page 16), a procédé, pour motif d’intérêt général :
• D’une part :
→ À la résiliation anticipée de la concession d’entretien, de gestion et d’exploitation du Port Vauban par la SAEM.
→ À la résiliation anticipée de la concession d’établissement du quai de très grande plaisance à la société IYCA.
• Et d’autre part : 
Au lancement concomitant des procédures de délégation de service public pour la gestion du service public portuaire des ports Vauban et Gallice.

Antibes Quai milliardaires
Le port Vauban à Antibes, dit le « quai des milliardaires »
 

Deux appels d’offres internationaux furent lancés. 

À l’issue de cette procédure, monsieur le maire d’Antibes – Jean Leonetti – entouré de son premier adjoint – Éric Pauget – et de l’ensemble des membres élus de la Commission a, lors de la séance du conseil municipal du 17 décembre 2016, choisi l’offre formulée par la société Artémis‐Vauban 21 (composée à 51 % par la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Côte d’Azur, 39 % de la Caisse des Dépôts et Consignations et 10 % par la Caisse d’Épargne de la Côte d’Azur) pour la délégation de service public des ports Vauban et Gallice pour les 25 et 15 prochaines années.
Et le maire d’Antibes de préciser alors : « Celle‐ci est sans conteste la meilleure offre formulée dans le cadre de la procédure au regard des critères de jugement des offres ».

Il est vrai que l’offre financière proposée par ce groupement semblait très alléchante pour une municipalité avide d’argent dans un contexte où elle se plaignait de l’augmentation des charges et de la baisse des recettes dues au désengagement de l’État.

En l’occurrence, cette offre était construite sur la base de :
• 15,8 millions d’euros de redevances annuelles et de 145 millions d’euros d’investissements sur 25 ans, pour le Port Vauban ;
• 2,224 millions d’euros de redevances annuelles et 16 millions d’euros d’investissement sur 15 ans, pour le Port Gallice ;
[sources : Un plan de 145 millions pour le port de plaisance d’Antibes 
et conseil municipal du samedi 17 décembre 2016] 

Or, plus d’un an et demi après l’attribution de cette délégation de service public, il apparaît cependant que tout ne se déroule pas exactement comme prévu, ce qui tend à démontrer que tout ne s’est pas passé comme cela aurait dû se passer.

En effet, il est apparu très vite que les appels d’offres qui avaient été lancés l’ont été :
• Alors que l’État (seul propriétaire du domaine public maritime et des ports) n’avait pas encore confirmé à la municipalité son accord écrit de transférer l’autorité de gestion de ses ports à ladite municipalité, ce qui était avancé par Franck Dosne, ancien responsable de Riviera Ports près la CCI, dans une entrevue accordée au journal Nice‐Matin du 25 janvier 2018, soit plus d’un an après l’attribution des appels d’offres à la CCI.
Par ce motif, quels sont l’artifice légal, le culot méthodologique ou…l’ incompétence qui ont permis à la municipalité d’Antibes d’avoir lancé un appel d’offre pour une délégation de service public d’infrastructures dont elle n’avait pas encore reçu l’autorité de gestion de son propriétaire ?
• Sans que des audits techniques des installations faisant l’objet des appels d’offre aient été réalisés préalablement à ces derniers, ce qui aurait permis à chaque candidat d’avoir une vision claire et non contestable de l’état actuel des infrastructures et des bâtiments, ce qui aurait permis logiquement à chacun des candidats de justifier de la faisabilité, de l’ampleur, de la complexité et du montant des travaux qu’ils comptaient réaliser dans le cadre de leur offre respective. Ça n’est en effet que plus d’un an après l’appel d’offre qu’un audit technique fut enfin réalisé, ce qui a donné lieu – pour le port Vauban – à un contentieux (non avouable) entre les anciens gestionnaires (la SAEM du Port Vauban dont les actionnaires sont la mairie d’Antibes et les amodiataires(1), et le IYCA qui gérait le bassin de grande plaisance) et le nouveau gestionnaires : les sociétés Vauban 21 et Gallice 21 qui gèrent respectivement les ports Vauban et Gallice. Tous se renvoient la responsabilité de paiement des sommes dues.
• Et pour le port Gallice, il s’est avéré que des travaux de certaines infrastructures du port ont donné lieu à un contentieux qui n’avait pas encore été jugé par la justice compétente…

Par ces motifs, les questions de fond qu’on peut se poser sont :

• Comment, dans ce contexte d’imprécision et de fragilité juridique (délégation de service public non encore obtenue de l’État), de non connaissance technique (audits techniques des infrastructures et des bâtiments portuaires non réalisés), les services de la municipalité et l’ensemble du Conseil Municipal ont pu voter à la majorité les résolutions 00–9 et 00–10 du conseil municipal du 5 février 2016 pour l’approbation du document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives du service public des ports Vauban et Gallice que devront rendre les candidats, dans le cadre d’une délégation de service public portuaire de compétence communale (…compétence communale qui n’était pas encore acquise) ?
• Comment peut‐on imaginer que le principe de saine concurrence ait été appliqué, dans la mesure où le diagnostic des infrastructures au jour des appels d’offre n’était pas connu et donc pas forcément admis par l’ensemble des candidats ?
• Comment peut‐on imaginer que le principe de saine concurrence ait été appliqué, dans la mesure où l’ampleur, la faisabilité, la complexité, le budget et le délai des travaux d’investissements projetés, qui s’appuyer sur des ouvrages existants dont on ne connaissait pas la situation technique et juridique ?

Tout cela sans que la municipalité ait garanti aux candidats avant l’appel d’offre, la faisabilité réglementaire et l’obtention certaine auprès des autorités compétentes (DIREN, DDTM, etc.) des autorisations administratives nécessaires à la réalisation des projets que ces derniers allaient présenter (autorisations de construire, autorisation d’occupation du domaine public maritime, autorisation de dragage, autorisation de démolition, loi sur l’eau).

En effet, comment la municipalité a pu demander aux candidats de s’engager sur un montant de redevances à payer, alors qu’en contrepartie la municipalité ne disposait ni de la maîtrise du foncier (domanialité) ni de la maîtrise des autorisations nécessaires à la réalisation d’une idée/vision stratégique d’un projet de développement portuaire dont elle avait établi le cahier des charges ?

Comment la municipalité a pu demander aux candidats de penser un projet d’extension portuaire, alors que dans le même temps, les législations en terme de protection de l’environnement vont à l’encontre de l’extension des périmètres portuaires existants ?

Cet appel d’offre n’était-il pas en fait qu’un appel à idées ?

Il semble que la CCI a donc tenté il y a plusieurs mois d’user de ce contexte d’imprécision pré et post appel d’offre pour tenter de remettre en cause, renégocier ou retarder le paiement des redevances dues à la mairie d’Antibes qui restait inflexible.
Et pendant ce temps, pendant que la CCI, la mairie, les amodiataires, les plaisanciers, les professionnels parlementent, les travaux du projet 21 stagnent.

Cela masque en fait un mal beaucoup plus profond qui remette en cause le bien fondé économique de l’offre faite par la CCI à la mairie d’Antibes.

Il semble que le fameux « business plan » qui a été présenté par le groupement Artémis piloté par la CCI était fondé sur des chiffres irréalistes, en dehors de toute réalité économique. Et la municipalité ne s’est d’ailleurs pas préoccupée de vérifier le bien fondé économique, technique et juridique de cette offre « grandiloquente » de la CCI, tant elle était alléchée par la redevance de 18 millions d’euros qu’elle pensait percevoir durablement.
Devons nous penser que nos élus municipaux, tout comme les élus de la Chambre Consulaire qu’est la CCI, considèrent qu’à partir d’un certain montant, il n’est plus nécessaire de justifier le bien fondé économique d’un business plan ?
En effet, la CCI qui promettait à la municipalité 18 millions d’euros par an pendant 15 ans et 15 millions d’euros par an pendant les 10 années suivantes a – selon nos informations – construit son offre financière (non pas économique) sur le seul espoir de vendre très cher les places de ports du bassin de grande plaisance. C’est ainsi que l’incompétence avérée de la CCI en matière de gestion de ports a amené son directeur d’alors – Franck Dosne – à fantasmer sur l’idée de vendre la place du plus grand yacht admissible dans le port au prix de 125 millions d’Euros environ pour 25 ans. Or, de sources diverses nous venons d’apprendre que celle‐ci venait à peine de se négocier au prix de 23 millions d’euros !…. soit un écart de 80% par rapport au chiffre d’affaires envisagé !
C’est à se demander si la Chambre de Commerce et d’Industrie ne venait pas à peine de découvrir que les propriétaires de ce type de bateaux sont généralement des milliardaires, capricieux, aux capitaux aussi mobiles que leurs yachts et qui savent calculer et faire jouer la concurrence tout en étant des adeptes de l’optimisation fiscale ? 
Est‐ce une preuve de naïveté ou d’incompétence de la Chambre de Commerce et d’Industrie que d’avoir pensé qu’une économie durable et profitable à nos commerçants et entreprises locales pouvait se construire et compter durablement sur des locataires de places de parking :
• qui l’obligent à définir un périmètre de sureté autour de leurs jouets, empêchant ainsi durablement les populations locales et les touristes de venir effleurer avec leurs yeux ces magnifiques bateaux…avant d’aller faire travailler les commerçants du vieil Antibes ;
• qui emploient du personnel en quasi‐totalité d’origine étrangère ;
• qui s’approvisionnent en grande partie via des sociétés étrangères non soumises à la fiscalité locale ; 
• qui peuvent partir du jour au lendemain, au gré des augmentations fiscales, de l’augmentation des charges sociales ou de l’augmentation du coût du carburant, si aléatoires de notre beau pays ? 
lire à ce propos Les méga yachts délaissent la Côte d’Azur au profit de l’Espagne ou l’Italie ; 

Sur ce dernier point, quelle a été la logique ou l’intérêt de l’État :
• lorsque d’un côté : il semble vouloir valoriser au mieux son patrimoine en le concédant à la ville pour que cette dernière essaye de vendre au plus offrant l’exclusivité de gestion de son infrastructure dédiée à l’accueil de bateaux de petits plaisanciers et bateaux de milliardaires, et d’obtenir une garantie d’investissement du candidat délégataire retenu ;
• et lorsque d’un autre côté :
 → l’État n’a pas transféré à la Commune d’Antibes, l’autorité de gestion portuaire, avant qu’aient eu lieu les appels d’offre ? Et pourquoi l’Etat a continué à prendre son temps pour transférer cette autorité, un an après le résultat de l’appel d’offre.
→ L’État a tenté d’imposer aux clients potentiels « milliardaires » de l’acquisition d’anneaux pour méga‐yachts, des charges sociales complémentaires et une taxe sur le carburant que n’appliquent pas les autres pays européens ? Ce qui est surprenant c’est que les soit disant professionnels experts de la CCI n’étaient pas au courant – 6 mois avant même l’appel d’offre des ports Vauban et Gallice – de la préparation de ces nouveaux impôts par les services de l’État !

Cela démontre accessoirement que l’État est là pour prendre aux Régions, et non pas pour donner. Peu importe à l’État si, durablement, les potentiels acheteurs de places de ports hésitent à investir en France. Ceux‐ci craignent en effet de devoir payer demain une augmentation d’impôts ou une nouvelle taxe dont on ne leur parle pas aujourd’hui, mais qui pourraient survenir à tout moment dès lors que les investisseurs auront investi (en escomptant – payant par avance au gestionnaire le montant de 15 ou 25 années de location).

Quelle est désormais la légitimité de la Chambre de Commerce et d’Industrie de revendiquer le statut d’expert-conseil en gestion des ports et de vendre ses prestations en tant qu’assistant maître d’ouvrage aux communes littorales (comme par exemple à Villeneuve‐Loubet dont une délégation de service public est prévue l’année prochaine)? Alors qu’elle vient de démontrer, en tant que gestionnaire, qu’elle n’a pas cette expertise d’évaluation des marchés, de méthodologie rigoureuse pour ce qui concerne son souci d’évaluer à priori le contexte juridique, technique, marketing, et de garantir la réalisation effective d’un plan d’affaire (business plan) réaliste et fondé ?

On essaye de gagner de l’argent comme on peut : on sollicite le contribuable !

Dans ce contexte chaotique, les travaux ne sont entrepris.

Et la CCI, sur l’autel de son engagement de « préserver la petite plaisance » (tel que cela apparait dans l’extrait des délibérations du conseil municipal du 17 décembre 2016), a décidé unilatéralement d’augmenter le prix des places des petites embarcations des plaisanciers et des professionnels du nautisme…bref, de tous ceux qui animent le port quotidiennement, a contrario des propriétaires milliardaires qu’on ne voit jamais !
À tel point que déjà 400 plaisanciers contrariés ont signé une pétition contre l’augmentation prohibitive des prix et contre le comportement péremptoire des nouveaux délégataires.
Port Vauban : une pétition contre la flambée des prix
Les plaisanciers en colère contre le prix des anneaux au port Vauban à Antibes

Dans ce contexte :

• Faut‐il remettre en cause la légalité des appels d’offre du port Vauban et du port Gallice ?

• Est‐ce que les sociétés Vauban 21 et Gallice 21 sont amenées à terme à déposer le bilan ?

• Qu’adviendra-t-il de la caution de 400 millions d’euros qui aurait été déposée par le Groupe Artémis pour garantir le paiement des redevances à la ville d’Antibes ? Cette caution était‐elle conditionnée à l’obtention effective des autorisations de réaliser le projet ?

• Quelle est la position de la Chambre de Commerce et d’Industrie depuis que son directeur d’exploitation des ports qui a soutenu ce projet, est officiellement parti pour raison de santé, mais a plus probablement été remercié à cause de son business plan qui n’était fondé que sur des fantasmes irréalistes ?

• Quelle sera la réaction des autres candidats qui ont été évincés, si advenant la légalité des appels d’offres était remise en cause ?

Nous pensons notamment à l’offre qui était portée par l’oligarque russe Alicher Ousmanov qui s’était appuyé – selon nos sources – sur les conseils techniques de la société Vinci (et de ses filiales spécialisées) et d’avocats de stature internationale, allant jusqu’à dépenser un montant d’études évalué à 4 millions d’euros environ. En effet, les études techniques qui ont été présentées par ce candidat auraient été bien plus fournies que celles présentées par la CCI, à tel point que la CCI aurait essayé par le biais de la mairie d’obtenir, à l’issue de l’appel d’offre qu’elle venait de gagner, des plans techniques détaillés qui émanaient de ce candidat concurrent éliminé !

Ainsi, le curieux qui s’intéresse de près à cet appel d’offre est en droit de se demander : Pourquoi un candidat ayant ce profil à savoir :

• Milliardaire internationalement reconnu dont la fortune est estimée à environ 14 milliards de dollars américains (chiffres 2015) ;

• Propriétaire du plus grand mega‐yacht existant : Le Dilbar (156 mètres de long) employant 80 hommes d’équipage et ayant coûté plus de 600 millions de dollars qu’il vient d’amarer 6 mois avant l’appel d’offre au Quai des Milliardaires du port d’Antibes après avoir réalisé à ses frais des travaux très significatifs :

Le plus gros yacht du monde prend ses quartiers à Antibes.

• Propriétaire de plusieurs mega‐yachts, et qui donc a priori s’y connait un peu mieux que d’autres candidats pour ce qui concerne les attentes des propriétaires de ces méga‐yachts en termes d’infrastructure et de services dédiés à ces embarcations luxueuses ;

• Membre d’un club très fermé de propriétaires de mega‐yachts et qui a priori aussi pourrait disposer d’un réseau privilégié et d’une force de persuasion plus importante que de simples agents administratifs de la Chambre de Commerce et d’industrie de la Côte d’Azur, pour convaincre les relations de son réseau de venir dans le port dont il est gestionnaire. Force est de constater que les propriétaires de méga‐yachts se retrouvent – par mimétisme – là où sont les autres propriétaires, où la où se déroulent les événements que l’un d’eux organiserait. Ceci aurait probablement permis à Antibes de bénéficier d’événements autres que les traditionnels salons du yachting, régates royales ou spectacles pyrotechniques et pyro‐mélodiques ;

• Soutenu par un des plus grands groupes de construction français ancré localement sur son tissu de filiales spécialisées.

 

Pourquoi n’a-t-il pas été retenu ?

La question fondamentale est : Pouvons‐nous raisonnablement et naïvement imaginer qu’un milliardaire (rompu à l’analyse et à la maîtrise des risques) investisse à perte :
• des montants significatifs pour l’aménagement de sa place au port (qu’il n’a théoriquement aucune garantie de garder au‐delà du 31 décembre 2017)
• 4 millions d’euros d’études (pour présenter sa candidature à l’obtention de la délégation de service public dudit port).
• sachant que la concession portuaire arrive à échéance dans 1 an et demi,
• s’il n’a pas obtenu préalablement des garanties de la commune qu’il allait remporter l’appel d’offre ?
Des promesses lui ont été faites qui lui permettaient d’être sûr qu’il allait au moins garder la place sur laquelle il venait investir.

L’analyse de la cohérence des informations diffuses, qui nous ont été données par des sources multiples impliquées dans ce dossier, nous amène un nouvel éclairage « explosif », une explication au fait que les places de port des méga‐yachts ne se vendent pas aussi bien que ce que l’avait prévu la CCI.
En effet, il semblerait qu’avant de réaliser les travaux d’aménagement de sa place de port au Quai des Milliardaires, et encore juste avant le conseil municipal officialisant l’appel d’offre, les représentants de la candidature d’Alicher Ousmanov ont rencontré le maire d’Antibes qui leur aurait confirmé que sur les bases de l’offre qu’il avait faite, le marché devrait lui revenir.
Or lors du conseil municipal du 12 décembre 2016, la CCI faisait une proposition de redevance 5 millions d’euros de plus ce qui lui permettait d’emporter au finish l’adhésion de la commune.
Dans ce contexte, il semble que l’oligarque russe se soit senti trahi et qu’il ait par représailles décidé :
• de changer la localisation de son navire…. Pour aller à Barcelone
• et de faire auprès de ses amis milliardaires russes et autres (principaux clients du Quai des Milliardaires) la publicité de la manière dont il avait été traité par la commune d’Antibes.


Le port de Barcelone

 

La démarche d’Alicher Ousmanov s’est alors trouvée confortée par la décision de l’État français d’imposer ces milliardaires pour que leurs employés soient soumis au paiement de charges sociales française et pour qu’il payent un carburant avec les taxes françaises.
Cela semble se confirmer lorsqu’on constate au mois d’Août 2017 que le quai des milliardaires du Port d’Antibes est vide.
La Côte d’Azur se vide de ses yachts, s’inquiètent les élus locaux

Et même si la décision de l’État fut de reculer sur la mise en œuvre de son invention fiscale,…cela n’a pas suffi à effacer la rancune et la méfiance de ces milliardaires qui n’ont pas suivi les espérances de la CCI de vendre cher les places des méga‐yachts. Ce qui constituait le pilier économique de la proposition de la CCI… et ce qui a fait que les places se négocient aujourd’hui à 20% environ des tarifs qui étaient annoncés par la CCI.
Ainsi, la CCI aurait tenté de négocier en coulisse avec la mairie d’Antibes au motif que l’attitude ambigüe de cette dernière avec ses clients potentiels a contribué à saboter le marché qui constituait le socle de ses revenus potentiels, le socle de l’équilibre économique de l’offre flamboyante CCI/Caisse des Dépôts et Consignations/Caisse d’Épargne.
La mairie avance qu’ « en aucun cas l’appel d’offre ne garantissait un revenu au candidat délégataire ».
On peut alors se demander si la municipalité d’Antibes a réellement examiné et jugé l’ensemble des critères des offres de chacun des candidats et si elle ne s’est pas uniquement focalisée (pour quelles raisons?) sur la proposition financière faite par la CCI, sans analyse sérieuse du business plan qui y était associé et de son fondement économique ?

Pourquoi les mairies sont‐elles si intéressées par lancer des délégations de service public pour la gestion de leurs infrastructures portuaires ?

En effet, quel est l’intérêt pour une commune de déléguer la gestion d’une infrastructure à une entité tierce plutôt que de la garder en régie ? La réponse est très simple : 
 Dans le cas d’une gestion en régie municipale, l’intégralité du produit de l’exploitation de l’infrastructure doit être employé exclusivement dans le cadre de la gestion de ladite infrastructure. Donc, l’argent provenant du port, retourne au port. 
 Dans le cas d’une délégation de service public, le montant de la redevance peut être partiellement ou entièrement employé à d’autres fins que le maire jugerait plus utiles. Ainsi, la redevance provenant du délégataire gérant une infrastructure portuaire peut être utilisée pour financer des frais de fonctionnement ou des investissements des écoles, des routes, des installations de traitements de déchets, etc.

Et si finalement le modèle économique des ports devait être repensé 

Dans un contexte économique difficile :
• où toute une tranche de la population a tendance à sacrifier ses accessoires, équipements et services « de confort » pour concentrer ses ressources sur la satisfaction de ses besoins vitaux,
• où les petits industriels et chefs d’entreprises doivent sacrifier leurs équipements de plaisir et « de confort » pour concentrer leurs ressources sur les besoins en trésorerie de leurs entreprises,
• où les classes moyennes ont tendance à disparaitre ;
qui ne soutient pas l’idée que le marché des petits bateaux soit durablement en pleine expansion ?

Dans un contexte où nous entrons dans une ère de biens et services partagés et non plus possédés, où les sociétés et associations de location, de partage, de troc se multiplient.

Dans un contexte où les services de location de bateaux (« chartering ») se développent…. Et attendu que ces bateaux sont rentables lorsqu’ils… ne sont pas au port !

Dans un contexte où le marché des bateaux de grande et très grande plaisance explose et requiert des places de ports de plus en plus grandes, assimilables à des places de bateaux dans les ports de commerce, et compte tenu que ces bateaux se déplacent là où sont les événements, au gré des caprices de leurs propriétaires, et qu’ils ne contribuent que très peu à l’économie locale lorsqu’ils sont à quai (hormis le fait qu’ils ramènent une redevance de location lorsqu’ils amarés). 

Dans un contexte où la lenteur de l’harmonisation européenne en termes de fiscalité ne permet pas d’envisager en France une compétitivité pour ce qui concerne les postes budgétaires qui impactent significativement les propriétaires de méga‐yachts : les coûts salariaux et les coûts de carburant.

Dans un contexte où l’on sait que les études de fréquentation et de mouvements dans les ports de plaisance réalisées par des cabinets spécialisés ont montré que, en pleine saison, tout au plus 5% du nombre de bateaux sont sortis du port…ce qui signifie qu’il y a toujours à quai 95% des bateaux dont les propriétaires ne sont pas là.

Bref, ne faut‐il pas arrêter de penser les ports comme de simples parkings à bateaux qui payent des droits de stationnement ? Comme de simples réceptacles d’eaux usées ? Comme de simples stations services qui fournissent des carburants coûteux pour les petits plaisanciers… qui fournissent des carburant « de secours » pour les méga‐yachts qui iront faire leur plein…ailleurs ?
Ne faut‐il pas penser les ports comme des carrefours vivants entre des économies et des activités qui s’entremêlent, et dont l’animation justifiera qu’ils constitueront des lieux d’intérêts que des visiteurs viendront visiter, par la mer ou par la terre ?
Les ports de plaisance passent au collaboratif

C’est cette vision décomplexée, non dogmatique, que le Mouvement de l’Arche défend tout en y associant bien sûr l’idée de réappropriation de ces infrastructures par les populations locales et leurs usagers.

Mouvement de l’Arche

(1) amodiataire, subst. masc. Définition : celui qui prend à ferme une terre, une exploitation rurale, etc., moyennant une redevance.
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Source : https://www.nice-provence.info/blog/2018/10/02/ports-antibes-cci-prend-eau/